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Voir (plus) loin ... |
Avant d'être parents, on vit beaucoup pour soi et un peu pour les autres. On n'a souvent peur de rien ou presque. On pense souvent que les malheurs, ça n'arrive qu'aux autres.
Puis, un jour, vous donnez la vie et acceptez, comme dit joliment une citation, que votre coeur marche à côté de votre corps, pour toujours.
Et, tout ce qui ne causait aucun souci jusque-là, prend soudainement des proportions inimaginables. C'est plus fort que tout, on se fait du souci, on s'inquiète, on a des peurs plus ou moins justifiées, bref, il faut réapprendre à vivre, autrement. A lâcher prise, aussi. A faire confiance, souvent. A accepter, parfois.
Mais quand l'inconcevable débarque dans votre vie, il faut aussi chercher la force plus loin, au-delà de ses propres limites.
Donner la vie, il n'y a rien de plus beau. Mais on a aussi tendance à banaliser l'accouchement. A penser que c'est tellement naturel que rien ne peut arriver. Et pourtant. Il ne faut pas oublier que, de nos jours, l'accouchement reste un acte médical et médicalisé (plus ou moins) et que ce n'est pas sans raison.
Il y a 5 ans et demi, ma plus grande angoisse était de savoir si j'allais pouvoir aimer mon deuxième bébé. J'avais l'impression que jamais il ne pourrait prendre autant de place dans mon coeur que M. qui venait de fêter ses 2 ans.
Mais quelques secondes ont suffi à changer mes priorités et ma façon de voir les choses.
Ces 10-15 secondes pendant lesquelles j'ai vu mon bébé d'une dizaine d'heures faire des mouvements répétitifs avec la main droite et la tête. A cet instant, j'ai su que rien ne serait plus jamais pareil.
Je l'ai senti, au plus profond de moi, malgré les paroles rassurantes des infirmières qui ne semblaient pas franchement maîtriser la situation. A dire vrai, mon instinct avait enclenché tous les signaux d'alarme dès l'accouchement, mais je n'ai pas osé m'imposer. Ni insister.
Prise en charge en urgence. Ambulance. Soins intensifs. Néonatalogie.
Déchirement d'être séparée de M. qui me manque plus que tout au monde. L'impression d'être coupée en deux entre ce nouveau bébé qui a tant besoin de moi et mon aîné qui ne comprend pas ce qui se passe.
Et puis le diagnostic qui fait tout s'écrouler. Avec lequel on a l'impression de couler, d'être happée par le fond et de ne plus pouvoir respirer.
AVC. Accident vasculaire cérébral du nourrisson. Je ne savais même pas que cela existait ...
Dans l'instant qui suit, voir tout négatif, imaginer sa vie future, celle de son bébé, se demander comment on va s'y faire, comment on va supporter. Se noyer dans les idées noires. Haïr le monde entier.
Serrer son bébé tout contre soi. Ce bébé auquel on ne s'est pas encore trop attaché, qui nous fait tellement souffrir. A qui on en veut, bien malgré nous. Sentir sa présence et sa chaleur. Le voir si beau.
Le regarder subir tous les examens sans broncher. S'adapter pour nous aider à trouver des solutions immédiates. Se battre, comme pour défier le corps médical et tous ses pronostics. L'admirer, lui, si petit, faire face.
Et se rendre compte qu'on ne peut pas baisser les bras, le laisser sans soutien. Décider de se battre à ses côtés, d'avoir de la force pour deux et surtout, de croire en lui. En nous. D'être forte pour lui.
Ne plus jamais craquer, même dans les pires moments. Ne plus jamais le laisser seul. Marcher à ses côtés pour l'accompagner dans tous les défis de la vie.
Croire, encore et toujours, qu'il est extraordinaire. Qu'il m'a été donné pour me faire grandir.
Découvrir pas à pas un petit homme incroyable qui déjoue toutes les sombres prédictions des médecins qui n'en reviennent pas. Un petit bonhomme qui soulève des montagnes et étonne tous ceux qui connaissent son histoire.
Un petit garçon qui risquait de ne pas pouvoir parler, de ne pas pouvoir se déplacer, de ne pas pouvoir s'alimenter et qui est, aujourd'hui, un vrai moulin à paroles, qui fait du foot et qui mange comme quatre (quand le repas lui convient ^__^). Qui va à l'école depuis plus d'une année, alors que cela semblait impensable il y a 5 ans et demi. Tant d'étapes apparemment infranchissables et qui m'émeuvent à chaque fois, car je ne peux m'empêcher de repenser à la vie que lui prédisaient les médecins.
Un petit garçon comme les autres, si ce n'est l'histoire de sa naissance et ses premiers mois de vie.
Une histoire qui se termine bien, car il faut aussi témoigner quand la roue tourne dans le bon sens pour donner de l'espoir à ceux qui en cherchent, qui traversent des moments difficiles. J'en ai tellement cherché des témoignages positifs quand j'en avais besoin, sans en trouver.
Il me fallait combler cette lacune. Vous parler de lui. De ma fierté. De son courage et sa force. De sa joie de vivre.
Pour lui. Pour nous. Pour tous les autres.
J'ai longuement hésité avant d'écrire ce billet. Il doit bien y avoir 5 ou 6 brouillons dans mon ordinateur. Plusieurs fois recommencés, retravaillés. J'avais peur de ne pas trouver le ton juste, de tomber dans le pathos, de trop me dévoiler.
Mais cela fait partie de l'histoire de mon petit garçon et il a de quoi en être fier. Et le message d'espoir qu'il véhicule m'a semblé plus important que tout, alors je vous le livre, en espérant qu'il soit utile à d'autres familles...